L'une des nouvelles dispositions majeures de la loi sur l'innovation de 1999 vient de trouver sa concrétisation à travers la publication du décret du 19 avril 2002 relatif aux services d'activités industrielles et commerciales dans les universités.

L'une des nouvelles dispositions majeures de la loi sur l'innovation de 1999 vient de trouver sa concrétisation à travers la publication du décret du 19 avril 2002 relatif aux services d'activités industrielles et commerciales dans les universités.

Depuis plusieurs mois, une expérimentation avec six établissements volontaires est menée sur cette question, coordonnée par un comité de pilotage qui, sous la responsabilité de Jean Loup Dupont (IGAENR) et avec le concours de l'AMUE et de la CPU, rassemble des représentants des ministères et des établissements concernés.

Nous faisons ici le point avec Jean Loup Dupont sur les principales caractéristiques de ces SAIC.

A quand les premiers services des activités industrielles et commerciales (SAIC) ?

Des SAIC peuvent apparaître dès aujourd'hui avec la parution des décrets d'application de la loi du 12 juillet 1999. Des services peuvent être créés rapidement car 6 établissements mènent déjà une expérimentation depuis plusieurs semaines. 6 autres sont en cours de sélection pour une deuxième vague d'expérimentation.

Pourquoi cette expérimentation ?

Ce que l'on cherche à faire au travers de cette initiative, c'est de voir la faisabilité de l'ensemble du dispositif, de mesurer son impact sur le fonctionnement de l'établissement, de détecter les problèmes, de voir comment y répondre, etc.

On s'efforce aussi, en concertation avec la CPU et avec le concours de l'Agence de Modernisation des Universités, de capitaliser l'ensemble des pratiques et observations pour pouvoir en faire bénéficier les établissements qui créeront des SAIC dans l'avenir.

L'expérimentation continuera vraisemblablement jusqu'à la fin de l'année, voire deux à trois mois après si c'est nécessaire. Ensuite, l'AMUE prendra en charge l'accompagnement des sites, qui auront accès à cette matière capitalisée : des documents, un guide des pré-requis avant l'installation d'un SAIC, ce qu'on doit faire au niveau politique, stratégique mais aussi financier et comptable…

Des formations sont prévues en matière fiscale et notamment sur les problèmes de TVA. Il faut sensibiliser l'ensemble des gestionnaires des établissements à ces aspects-là.

Cette expérimentation est impulsée par les cabinets des ministres de la Recherche et de l'Éducation nationale, dans le cadre d'un suivi par les directions concernées : directions de l'enseignement supérieur, des affaires financières et des affaires juridiques du ministère de l'Éducation nationale, directions de la recherche et de la technologie du ministère de la Recherche, sans oublier la Mission scientifique universitaire commune aux deux départements ministériels.

Créer un service des activités industrielles et commerciales

Est ce à dire que le ministère valide la création des SAIC ou est-elle à la libre initiative des établissements ?

Le principe est que l'établissement est tout à fait libre de créer ou non un SAIC. Cette décision relève de son initiative sous la conduite de son président.

Je crois que sans volonté politique forte du président, il serait difficile de créer un SAIC.

Le président est le premier ordonnateur de l'établissement et il lui revient de présenter cette question à l'examen des conseils compétents de l'université.

Ceci dit, il est nécessaire d'obtenir le soutien, pas forcément unanime mais largement majoritaire, de l'ensemble des acteurs concernés. Il faut une volonté partagée d'aboutir, quelles que soient les nuances d'appréciation et de mise en œuvre.

Un dialogue doit s'instaurer au sein de l'établissement pour déboucher sur une étude des conditions de viabilité et de mise en en place du service. Et en premier lieu un dialogue entre le président et les instances qui actuellement sont chargées des activités industrielles et commerciales et de la valorisation de la recherche.

Aujourd'hui des expériences de valorisation peuvent être initiées par des laboratoires, certes sous couvert de l'université, mais dans une situation où l'on sent bien que c'est surtout une volonté de quelques acteurs de l'établissement…

C'est bien là toute la nouveauté des SAIC. Ils doivent permettre une véritable professionnalisation de la démarche de valorisation de la recherche, soutenue par un service spécialisé de l'établissement.

Jusqu'à présent un laboratoire, voire même un chercheur, pouvait prendre cette initiative de valorisation, passer un contrat avec une entreprise, avec ensuite une signature de la présidence. Mais l'opération elle même était d'abord menée de façon individuelle.

Au contraire, pour créer un SAIC, il faut un minimum de consensus de la part de l'ensemble de l'établissement, au delà des quelques initiateurs. N'oublions pas que le SAIC est une instance statutaire qui nécessite une délibération du conseil d'administration à la majorité des 2/3.


Une majorité statutaire, cela signifie 2/3 des membres inscrits des conseils. Cela peut poser des difficultés dans certains établissements où ne sont pas toujours présents les 2/3 des membres aux séances ordinaires ?

Il peut exister effectivement un problème de quota, qui a d'ailleurs été soulevé par certaines universités d'expérimentation. Mais la loi de 1984 oblige à réunir une telle majorité en cas de création d'un service commun statutaire.

En même temps, cette majorité requise donne une légitimité certaine au SAIC qui résulte de ce vote.

Il peut y avoir un même SAIC pour plusieurs établissements, mais en revanche un laboratoire peut-il se rattacher à un SAIC autre que celui de son université ? Comment vont se situer les unités communes aux organismes de recherche et aux universités ?

C'est un point extrêmement important parce que cette question, beaucoup de chercheurs, de responsables de labo ou d'UMR se la posent : le SAIC ne vient-il pas là comme une séparation entre nos deux établissements d'origine et remettre en cause notre collaboration ?

Ce n'est pas le but recherché et je pense qu'au contraire le SAIC peut aider à clarifier ces rapports pour le bon fonctionnement de l'unité de recherche.

Il faut remettre à plat un certain nombre de pratiques de gestion qui ne sont pas transparentes actuellement, en particulier rattacher les coûts de fonctionnement à chacun des établissements concernés. Pour cela, on doit pouvoir trouver un dispositif qui permette de faire les choses simplement sur le plan de la gestion : un suivi des coûts et un suivi des recettes au fur et à mesure de leur exécution et peut être une régularisation des prestations réciproques une fois pas an.

Un dispositif de valorisation "du laboratoire à l'entreprise"

Après l'exercice de la création, voyons celui de la mise en œuvre, et tout d'abord comment s'articulera le SAIC avec la politique globale de valorisation de recherche de l'université ?

Le SAIC n'a pas forcément vocation à se substituer à toutes les autres formes de soutien à la valorisation de la recherche. A mon sens il doit prendre la place que lui donnera l'établissement dans l'ensemble du dispositif, "du laboratoire à l'entreprise".

Par rapport aux outils qui existent actuellement et qui sont en général extérieurs à l'université, le SAIC, lui, se trouve à l'intérieur de l'université. C'est là une différence essentielle avec les filiales, avec les GIP ou avec les associations.

Mais le SAIC se positionnera également selon la mission que voudront bien lui confier les établissements. Cela peut aller du rôle élémentaire de simple gestion matérielle des contrats, et autres fonctions uniquement administratives, à une mission plus large, par exemple de veille en matière d'innovation, de détection de l'innovation en lien avec les chercheurs et les directeurs de labos, etc. Cela peut même aller jusqu'à l'incubation. Certaines universités envisagent de mettre un incubateur dans leur SAIC ou de gérer en son sein la relation entre l'université et l'incubateur.

Ceci dit, pour répondre complètement à votre question, le SAIC devra également se situer par rapport aux instances existantes au sein de l'établissement : par rapport au conseil scientifique, à des commissions ou des services de valorisation de la recherche, à un service des relations industrielles, voire même à un service de la recherche.

Pour être viable, le SAIC doit apporter une valeur ajoutée aux laboratoires, aux directeurs de laboratoire et aux chercheurs. Il doit aussi se situer clairement par rapport aux directeurs d'unités de formation et de recherche. N'oublions pas le "R" d'UFR !

Le SAIC est donc un dispositif ouvert ?

Complètement ouvert. Avec un encadrement juridique relativement léger au regard des décrets parus.

Le SAIC est un service à comptabilité distincte, créé dans les conditions de majorité requise que nous avons évoquées, dirigé par un directeur et disposant d'une enveloppe budgétaire votée en début d'exercice par le CA. A part cela, le reste est assez libre.

Il peut être doté ou non d'un conseil de service, selon la libre décision de l'établissement. Il est piloté obligatoirement par un directeur, mais dont le mandat est laissé à la libre détermination de l'établissement. Sur le plan budgétaire, la masse de crédits peut être modifiée : tant que l'équilibre est respecté , un réexamen par le conseil d'administration n'est pas nécessaire, sauf si l'établissement le souhaite.

Afin d'élargir le champ de ses compétences, le SAIC peut recruter du personnel non titulaire à durée déterminée ou indéterminée. Le dispositif est donc extrêmement souple.

Enfin, il est dit que le SAIC doit gérer, dès lors qu'elles existent, les activités industrielles et commerciales de l'établissement, ce qui signifie un champ d'application relativement vaste ..

… en dehors de la formation continue…

En effet, la formation continue est explicitement exclue de ce champ d'application car elle suit une logique qui, sauf exceptions, est relativement éloignée de celle des activités industrielles et commerciales, et notamment de la valorisation de la recherche.

Le SAIC, la filiale, l'association et les autres

Sur le fond, quels sont les rapports entre un SAIC et une filiale ? Quel est l'intérêt pour un établissement de disposer des deux structures ?

A mon avis, le SAIC n'est pas exclusif des autres formes de collaboration et de mise en œuvre de la valorisation de la recherche. Il y a une place pour chacun de ces outils mais avec bien évidemment d'abord un problème de masse critique, qu'il appartient à chaque établissement d'évaluer. Il est évident qu'une petite université qui voudrait créer un SAIC, une filiale, voire un GIP, et s'inscrire en outre dans un incubateur régional, se trouverait rapidement devant un problème de disproportion entre le nombre de structures et le volume d'activités concerné.

Enfin, la filiale est un outil juridique et économique qui se trouve en dehors de l'établissement et suit une logique commerciale ; alors que le SAIC est complètement ancré dans l'établissement, il prend ses racines dans les laboratoires, voire dans les autres services de l'établissement.

Il est aussi sous le contrôle total de l'établissement, de ses instances, et peut ainsi lui permettre de rendre totalement lisible sa politique en matière de valorisation, ce qui n'est pas le cas d'une filiale, malgré tous les dispositifs de suivi qui peuvent exister.

Sur ce sujet des structures préexistantes, peut-on dire que le SAIC, sans être en opposition avec les associations, est une forme de réponse à ces créations parfois peu maîtrisées ?

Sur le plan théorique on aurait pu concevoir que le SAIC côtoie des associations utilisées pour certaines activités de valorisation, mais ce n'est pas l'objectif recherché.

Les associations ne représentent pas un mode de gestion sécurisant pour les établissements ni pour les chercheurs. Avec elles, ils s'exposent sans le savoir à de nombreux déboires car ils ne respectent pas toute la réglementation et je ne parle pas seulement sur le plan fiscal. De plus, les associations constituent dans la plupart des cas un démembrement du service public.

Je crois que l'un des buts de la création des SAIC est d'offrir aux établissements des outils qui vont leur permettre de réaliser ces opérations de valorisation de la recherche dans des conditions souples et acceptables par les chercheurs.

Évidemment, il n'est pas certain que, du point de vue d'un individu, le SAIC, qui respecte les règles fiscales, de concurrence et de fonctionnement des établissements publics, offre autant de liberté et de souplesse de gestion que les associations. Mais, en revanche, il apportera une sécurisation et une professionnalisation du cadre d'exercice des activités industrielles et commerciales des établissements.

La question de la fiscalité

Ce "rappel au règlement" peut effrayer certains acteurs des établissements, notamment en matière de fiscalité…

D'abord il faut bien rappeler que ce n'est pas le SAIC qui amène la fiscalité dans les universités. L'impôt sur les sociétés, la TVA ou la taxe professionnelle sont déjà, aujourd'hui, applicables aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

Certaines activités sont soumises à l'impôt de par leur nature et non pas de par le fait que ce soit une université ou monsieur untel ou une association qui les mènent.

La mise en place des SAIC permet en revanche de sécuriser ces opérations et de répondre aux obligations fiscales et réglementaires d'une façon générale.

Lorsqu'une activité, de par sa nature je le redis, se trouve être dans le champ d'imposition, ceux qui l'exercent doivent se conformer à la réglementation en vigueur. Ce qui n'est bien souvent pas le cas dans les associations ou même les filiales qui, pour certaines, connaissent des redressements relativement importants.

Avant la sortie des décrets de mise en place des SAIC nous avons étudié, au sein de groupes de travail, toutes ces données fiscales et nous avons examiné comment elles pouvaient s'appliquer aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

Il s'agissait non pas de modifier la réglementation, mais de voir dans quelles conditions elle s'appliquera aux établissements. Il fallait prendre en compte des contraintes spécifiques et des missions qui sont globalement différentes de celles d'une entreprise privée.

Nous avons donc travaillé avec le ministère des Finances et de l'Industrie et sa direction de la législation fiscale qui s'est trouvée extrêmement ouverte à toutes les analyses et suggestions qui ont pu être faites. Ils ont par exemple décortiqué les critères selon lesquels une activité partenariale se révélait être absolument lucrative selon la réglementation et dans quels cas elle pouvait y échapper. De nombreux exemples concrets, issus de l'expérimentation, ont été examinés.

Tout a été remis à plat et nous avons pu ainsi réaliser un certain nombre de progrès dans la connaissance de la topologie de ces activités et, par voie de conséquence, dans le régime financier qui leur est applicable. Il reste encore à sécuriser les opérations des établissements sur quelques points, notamment en matière de TVA.

Il y a quand même des avantages à créer un SAIC, du point de vue justement de la fiscalité ?

Comme je l'ai dit, la fiscalité s'impose d'ores et déjà aux activités lucratives des universités. La question est comment répondre à ces obligations ? On peut penser que le SAIC est un outil qui permet d'y satisfaire dans de meilleures conditions.

Premièrement parce qu'au sein de l'établissement il concentre de façon lisible toutes ces activités actuellement éparpillées dans l'université. Cette centralisation permettra d'établir facilement un bilan dégageant un éventuel excédent, pour répondre par exemple aux obligations de l'impôt sur les sociétés.

Deuxièmement parce qu'il offre la possibilité d'appliquer le calcul des coûts complets pour les activités lucratives. En effet, qui dit, par exemple, charges déductibles au titre de l'impôt sur les sociétés dit également identification claire de ses charges, calcul et justification auprès d'éventuels corps de contrôle. Au sein du SAIC , toujours grâce à la concentration des activités, on peut envisager un système de calcul des coûts complets.

Et puisque l'on définit le coût d'une prestation et qu'on fixe son prix de vente sur la base de ce coût, on sait donc ensuite si on gagne ou si on perd, et éventuellement combien on perd et qui va supporter la différence. On va donc au delà d'une réponse à des obligations fiscales, on met en place un vrai pilotage économique et financier de ces activités. Ce qui est la moindre des choses que l'on peut attendre dans un secteur qui est soumis à la concurrence !

Cette démarche de coût complet nécessite-t-elle que les établissements aient mis en place préalablement une comptabilité analytique ?

Non je ne pense pas.

Dans la mesure où l'on crée un SAIC, où l'on concentre les activités industrielles et commerciale, en particulier celles lucratives qui nécessitent un suivi en comptabilité analytique (pour reconstituer les coûts), on dispose des instruments pour mettre en place un calcul de coût complet. Dès lors qu'on prend en compte toutes les charges directes et tous les salaires, ce calcul est à mon sens, fiable à 90 % ce qui devrait être suffisant pour répondre à la plupart des obligations fiscales et réglementaires et assurer le pilotage économique des opérations.

Une exigence de base, c'est de suivre le temps de travail des gens qui exercent ces activités. Cela peut se faire sur la base de feuilles d'attachement, en s'inspirant de celles qui sont actuellement réclamées dans le cadre des contrats européens. C'est un problème de changement de mentalité des chercheurs, sans qu'il soit nécessaire pour cela de recourir à la pointeuse !

Pour le reste, on mesure directement les activités qui sont payées sur le centre de responsabilité du contrat de recherche par exemple. Cela permet d'isoler des opérations : le personnel technique embauché sur le contrat, les fournitures, les déplacements, etc.

En prenant donc en compte les frais de personnel ainsi que les frais directement payés on dispose d'une très grande partie des coûts. Il reste ensuite à rattacher les frais communs et les charges indirectes par application d'une clé de répartition que l'établissement aura déterminé lors de la création du SAIC, pour aboutir à une mesure du coût total de l'activité suffisamment fiable.


Rien qui ne puisse effrayer les établissements, donc ?

Certainement pas. Je pense même qu'ils sont intéressés par cette démarche sur les coûts complets.

Quels sont les points sur lesquels l'expérimentation en cours est susceptible d'aider les autres établissements ?

Je citais à l'instant la réponse à des problèmes techniques, notamment le calcul des coûts complets, les questions de bilan, mais aussi comment dégager des résultats pour les activités lucratives, comment mettre en place un système qui réponde aux obligations fiscales d'une façon générale, comment gérer les limites budgétaires ou les services à comptabilité distinctes, etc.

Je pense que l'expérimentation va permettre également de répondre aux questions stratégiques d'implantation du SAIC dans l'établissement, sa mise en place en articulation avec les autres instances existantes.

Sur ces questions, nous allons faire le point avec la CPU d'ici l'été.

L'expérimentation doit apporter non pas des réponses valables dans tous les établissements, mais permettre de formuler des axes de travail, des suggestions et des alertes pertinentes.

Jean Loup Dupont est Inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche. Il a été chargé par le ministre de l'éducation nationale et le ministre de la recherche, de la mise en place des SAIC.

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