La première table ronde du colloque portait sur la recherche en France : enjeux scientifiques, technologiques et sociétaux. Elle réunissait Francis Hardouin, Président de Bordeaux I, Claude Cohen-Tanoudji, professeur au collège de France, Elisabeth Giacobino, directrice de la recherche au MNRT, Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin, Bernard Larrouturou, directeur général du CNRS, Jean-Claude Lehmann, directeur de la recherche (groupe St Gobain) et Jean-Marc Monteil, directeur de l'enseignement supérieur.

La première table ronde du colloque portait sur la recherche en France : enjeux scientifiques, technologiques et sociétaux. Elle réunissait Francis Hardouin, Président de Bordeaux I, Claude Cohen-Tanoudji, professeur au collège de France, Elisabeth Giacobino, directrice de la recherche au MNRT, Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin, Bernard Larrouturou, directeur général du CNRS, Jean-Claude Lehmann, directeur de la recherche (groupe St Gobain) et Jean-Marc Monteil, directeur de l'enseignement supérieur.

L'allocution de Francis Hardouin revêtait des accents connus puisque celui-ci a commencé en déclarant "J'ai fait un rêve : celui d'un MJENR où la LOLF ne risque pas de démanteler les grandes missions de l'université." "Le temps de la recherche n'est pas le temps du budget" a-t-il indiqué.

"Il suffit de trois ans pour tout détruire."

Quant à l'intervention de Claude Cohen-Tannoudji, elle fleurait volontairement bon la nostalgie. Le chercheur s'est rappelé le temps, où "il était possible d'enseigner sérieusement tout en travaillant en laboratoire." Le lauréat du prix Nobel a signalé que, depuis les années 80, les choses s'étaient beaucoup dégradées : "la situation des maîtres de conférence est beaucoup plus compliquée. Les jeunes sont écrasés de cours à dispenser et ne peuvent faire de la recherche normalement" a-t-il déploré. M Cohen-Tannoudji a fait une sérieuse mise en garde : " La recherche est une activité fragile. Il faut 10 ans pour former un chercheur et le rendre opérationnel. Il faut 20 à 30 ans pour constituer une équipe qui fonctionne vraiment bien. Mais il suffit de 3 ans pour tout détruire." Rappelant l'importance des crédits publics, le physicien s'est montré sévère envers le personnel politique : "Je ne connais que deux hommes qui ont eu une vision à long terme de la recherche : Charles de Gaulle et Pierre Mendès-France." "Nous sommes en concurrence avec des pays qui investissent beaucoup plus massivement que nous" a-t-il averti.

Pour Axel Kahn, la crise actuelle est liée à "une vision biaisée de la science dans notre pays." "Sur tous les bancs de l'Assemblée, on la limite à sa fonction auxiliaire de développement économique" a fustigé le généticien. Dès lors, elle se limite à une "variable d'ajustement en fonction des prétentions politiques des uns et des autres." Le directeur de l'institut Cochin a critiqué "des discours en décalage avec la réalité que le milieu ressent comme du mépris."

Axel Kahn a conclu sur la notion de "mémoire", qui permet le transfert des idées et des savoir-faire. "On ne peut créer une recherche dynamique sans les conditions de la mémoire" a-t-il martelé.

Aujourd'hui, le chercheur moyen n'a plus les moyens de chercher"

Jean-Claude Lehmann a également profité de la table ronde pour faire part de son inquiétude. "On a beaucoup parlé d'une Europe basée sur l'économie de la connaissance. J'y crois beaucoup mais pour l'instant, ce ne sont que des mots." Le directeur de la recherche de St Gobain dresse un constat sans appel : "Aujourd'hui, le chercheur moyen n'a plus les moyens de chercher." "En matière de recherche industrielle, la France n'a pas su créer la dynamique des moyennes entreprises à haut contenu technologique" a-t-il déploré. Il a appelé à une plus grande "connivence" entre le monde politique, celui de la recherche et celui de l'entreprise. "Nous devons encourager les chercheurs à venir écouter les industriels. Le travail en commun doit nous inspirer". Quant à la question du brain-drain, Jean-Claude Lehmann a demandé la mise en place de moyens d'analyses sérieux concernant la fuite des cerveaux.

Pour Bernard Larrouturou, la notion de "connivence" est importante. "La recherche joue le rôle d'irrigateur pour les activités du pays" a-t-il déclaré. Le directeur général du CNRS a également expliqué que les CDD ouverts en 2004 au CNRS ne seraient pas destinés aux jeunes doctorants mais à des chercheurs et des enseignants-chercheurs "seniors" et de "haut niveau". En effet, selon un texte adressé le mois dernier à tous les directeurs d'unités et à l'ensemble des cadres du CNRS, que L'AEF s'est procuré, Bernard Larrouturou explique que par souci de clarté, le CNRS a fait le choix de "ne pas utiliser ces possibilités d'accueil (...) pour des post-doctorants puisqu'il existe par ailleurs une filière d'accueil post-doctoral".

Un "optimisme volontariste"

Quant à Elisabeth Giacobino, elle est revenue sur la question des crédits de la recherche. "La recherche a été moins mal traitée que l'industrie ou l'équipement, a-t-elle expliqué, au départ, nous avions 30% de crédits gelés et nous sommes parvenus à seulement 10% !" Au sujet du classement mondial des universités élaboré par Shangaï, la directrice de la recherche l'a qualifié de "douteux". "Un article à paraître dans Nature montre que la recherche européenne n'est pas si en retard que ça." A propos des universités, Mme Giacobino a insisté sur leur "vocation" à travailler sur les sites en interaction avec les autres partenaires.

Jean-Marc Monteil a promu une formation des chercheurs inscrite dans la "pluridisciplinarité". "La recherche ne peut rester un périmètre fermé" a considéré le directeur de l'enseignement supérieur. "Nous n'avons jamais eu d'aussi bons chercheurs aussi peu cultivés" a-t-il affirmé. Comme d'autres participants, il a rappelé l'importance d'une politique de site : "Doit-on faire la même chose partout? Il y a une division du travail à opérer. Tout partout, c'est rien nulle part" Il a également mis l'accent sur la nécessité d'accueillir des étudiants étrangers de grande qualité qui deviendront de fait "les meilleurs vecteurs de notre culture". L'accueil serait "international géré régionalement". M Monteil a regretté que certains enseignants du second degré n'aient "jamais mis les pieds dans un laboratoire" et a plaidé pour que ceux-ci soient au "contact de la production des savoirs". "Une idée voudrait qu'on doit être pessimiste pour avancer. Au contraire, je pense que nous devons faire preuve d'un optimisme volontariste" a-t-il conclu.

 

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