Le premier Ministre livre la vision du gouvernement concernant la contribution des universités à l'aménagement du territoire, à l'occasion du colloque sur U3M de décembre 1998.

le 3 décembre 1998

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Recteur de l'Académie de Paris,

Mesdames et Messieurs les Présidents d'Université,

Mesdames et Messieurs les élus,

Universitaires, architectes, urbanistes, élus et représentants de collectivités locales : vous êtes réunis aujourd'hui par un colloque qui intervient à point nommé. Le gouvernement engage en effet la préparation des prochains contrats de plan État-régions et celle du schéma de services collectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le plan U 3 M rassemble ces deux démarches.

Je suis donc particulièrement heureux d'être aujourd'hui parmi vous et de participer par cette contribution à vos travaux. Je le ferai en vous livrant tout d'abord quelques réflexions qui permettront de dresser le bilan du plan Université 2000 et d'en mesurer toute la portée : il a redessiné le paysage universitaire français (I). Voilà pour le passé. Quant à l'avenir, cet avenir de l'Université française qui nous réunit ce matin, je voudrais l'évoquer brièvement en soulignant les deux principes qui lui donneront corps : constance de l'effort collectif consenti, adaptation de la politique conduite au nouvel environnement de l'Université (II).

I. Initiative indispensable, fondé sur une démarche originale, le plan U 2000 a redessiné le paysage universitaire français.

Lancé en 1990, le plan U 2000 était à l'époque une initiative absolument indispensable. A la fin des années 1980, l'Université n'était plus en mesure d'accueillir tous les étudiants qui se pressaient à ses portes. Les locaux étaient très insuffisants et souvent délabrés. Une demande forte d'enseignement supérieur et la poussée démographique conduisaient à l'Université de masse. Mal intégrée dans la société, notre Université traversait une crise de confiance. Or l'Université est une institution fondamentale de notre société et un enjeu démocratique. Lieu privilégié de production et de transmission du savoir, elle diffuse la culture, elle joue un rôle essentiel dans la préparation aux métiers, dans le renouvellement des élites et dans la compétition économique. Enracinée dans son environnement local, elle a vocation à rayonner au-delà des frontières nationales. Au-delà de l'acquisition des connaissances qu'elle dispense, elle est un des lieux où doit se concrétiser l'égalité des chances. Il fallait donc accroître ses moyens et renouveler son cadre. Enfin, lutter contre l'injustice sociale supposait -et suppose toujours- la réduction des inégalités territoriales dans l'accès à l'enseignement supérieur. C'est conscient de ces enjeux que j'ai engagé, en 1990, le plan Université 2000.

Pour sa mise en Suvre, nous avons, à l'époque, appliqué avec Claude Allègre, une méthode originale. Si l'État a des responsabilités éminentes en matière d'enseignement supérieur, ses objectifs doivent être discutés préalablement, avec les collectivités territoriales, avec les universitaires et les étudiants, avec toutes les forces vives : telle était, et telle reste, notre conception de la politique universitaire. Au-delà de la répartition juridique des compétences, la rénovation de l'Université ne pouvait être entreprise qu'à travers un effort de la Nation tout entière, dans toutes ses composantes. La réflexion engagée dans les groupes régionaux, co-présidés par les préfets de région et les recteurs, a fait apparaître les bases pragmatiques d'un accord sur les besoins de chaque région.

S'appuyant sur un effort budgétaire considérable, ce plan visait à réduire les inégalités géographiques. L'objectif premier était clair : combler un important retard d'équipement. Locaux d'enseignement, logements pour étudiants ou restaurants universitaires : un effort budgétaire sans précédent et partagé entre l'État et les collectivités locales -42 milliards de francs dont plus de 10 dans le cadre des contrats de plan État-région en cours- a permis d'y parvenir. Bien que Paris et l'Île-de-France aient constitué à l'époque une exception notable, les régions ont largement contribué à la mise en Suvre du plan Université 2000. Elles se sont approprié leurs universités. Elles ont participé à des maîtrises d'ouvrage et se sont intéressées à l'urbanisme universitaire. Le plan Université 2000 a permis d'élargir le partenariat à l'Université et a fait de celle-ci un acteur à part entière du jeu local.

Mais il ne s'agissait pas seulement de construire des " mètres carrés ". En créant la "mission campus", en faisant appel à des architectes, notre ambition était de susciter un véritable urbanisme universitaire, de qualité et adapté. Fonctionnalité et esthétique ont été conciliées, et parfois même réconciliées. L'Université a fait son retour dans les centres villes qu'elle contribue à animer. L'apparition d'un urbanisme universitaire est ainsi un acquis essentiel d'Université 2000. D'un point de vue architectural, le bilan d'U 2000 peut être admiré en de nombreux endroits. Ces belles réalisations sont signées par de grands architectes français ou étrangers. Nous en verrons, je crois, quelques exemples dans l'exposition que nous allons visiter.

Grâce à U 2000, une politique d'aménagement du territoire universitaire est entrée dans les faits. Une nouvelle carte universitaire a été dessinée. Un maillage dense d'équipements universitaires a recouvert le territoire : 150 villes, dont 125 hors de la région parisienne, sont désormais concernées. Cet effort d'aménagement du territoire a été un facteur incontestable de démocratisation de l'enseignement supérieur. De nouvelles universités ont été créées au Nord et à l'Ouest. Les antennes universitaires ont été organisées et encadrées. Enfin, Université 2000 a structuré le tissu universitaire en proposant au sein de ce maillage dense des réponses diversifiées aux besoins : BTS, IUT, IUP, pôles de développement universitaires, universités - dont certaines constituent des pôles européens.

En définitive, c'est le paysage universitaire dans son entier qu'Université 2000 a permis de redessiner.

Aujourd'hui, le contexte a changé. Mais nous gardons la même ambition pour l'Université. Et c'est avec le même état d'esprit et le même volontarisme que nous abordons l'entreprise d'U3M.

II. Si notre ambition pour l'Université reste intacte, nous adaptons notre méthode et nos objectifs à un environnement technologique, économique et social en profonde mutation.

Un mot de la méthode. Je l'ai souligné: elle doit rester la même et être fondée sur la concertation et le partenariat. Chacun pourra prendre sa part des responsabilités : l'état, je veux le dire ici, assumera la sienne. Il doit continuer de remplir son rôle indispensable d'impulsion, de régulation et d'arbitrage.

Notre ambition pour l'Université est intacte. Je l'ai réaffirmée dans la déclaration de politique générale du gouvernement. Il s'agit de poursuivre encore et toujours la démocratisation de l'enseignement supérieur. Abandonnée depuis 1993, la priorité accordée à l'éducation est au cSur du pacte républicain que nous avons proposé aux Français. Dès sa prise de fonctions, le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, Claude Allègre a donc, à travers le plan U3M, engagé une nouvelle dynamique. Ce plan prolonge et renouvelle l'impulsion donnée en 1990. Un plan succède à un autre, parce qu'en ce domaine la continuité dans l'effort est indispensable et parce que notre volonté politique n'a pas fléchi. Programmation financière à long terme, planification dans l'espace, équilibre dans la carte des filières, juste répartition des efforts, financement adéquat de programmes et de matériels lourds, en particulier pour la recherche : tout ceci requiert une vision de l'avenir, une volonté politique, de la durée.

Notre volontarisme tient compte du bouleversement que connaît l'environnement de l'Université. A la pression démographique des années 1990 a succédé en effet la stabilisation des effectifs étudiants, et parfois même, leur décrue. Il faudra en tirer les conséquences dans l'examen de la carte universitaire.

L'environnement de l'Université s'est élargi à l'échelle du continent européen, sinon de la planète. La monnaie unique parachèvera, dans peu de jours, le marché intérieur européen. La libre circulation des travailleurs au sein de l'Union est une réalité de plus en plus tangible. La compétition entre les formations supérieures s'avivera en Europe. Au-delà, c'est la place des universités françaises dans la compétition mondiale de l'intelligence qui est en jeu, notamment face aux campus américains.

Le contexte technologique subit dans le même temps un bouleversement radical. Nous entrons résolument dans ce qu'il est convenu d'appeler la "société de l'information". Les réseaux tissent leur toile. Les possibilités d'accès aux connaissances sont démultipliées. Une mutation de l'enseignement lui-même et de ses méthodes en résultera sans doute. Nous devrons la traduire dans l'aménagement universitaire du prochain siècle.

Enfin, dans cette société du savoir qui se dessine sous nos yeux, l'étudiant occupe - symboliquement et socialement- une place grandissante. Il nous faut savoir la reconnaître.

La politique universitaire que le gouvernement définit tient compte de ce contexte nouveau. Dans quelques jours, un comité interministériel d'aménagement du territoire entérinera les priorités du gouvernement. Devant vous, ce matin, je mettrai simplement l'accent sur trois de celles-ci : affirmer une volonté pour la recherche ; rééquilibrer l'aménagement du territoire universitaire, conformément à une logique de réseaux ; enfin, placer l'étudiant au cSur du dispositif universitaire.

Affirmer une volonté pour la recherche, c'est faire en sorte que la synergie entre enseignement supérieur et recherche entre dans les faits. Recherche et formation sont indissociables. Rapprocher les organismes de recherche des universités, rapprocher la recherche publique du tissu économique : telles sont les deux orientations arrêtées par le gouvernement. La coopération entre les laboratoires publics de recherche et les universités doit s'amplifier. Enseignement et recherche doivent aussi mieux s'inscrire dans la vie économique. Sans rendre l'Université ou la recherche publique dépendantes des entreprises, il s'agit de valoriser une recherche publique souvent de très bonne qualité, d'augmenter les débouchés des étudiants et de favoriser la croissance économique. Nous voulons ainsi assurer notre avenir de grande puissance économique et industrielle.

L'aménagement du territoire universitaire sera placé sous le signe du rééquilibrage. Le rééquilibrage entre Paris, l'Île-de-France et la province devra être envisagé avec discernement. Paris, métropole universitaire de rang mondial, a été la grande oubliée d'Université 2000. Une action d'envergure doit maintenant y être menée. Ce rééquilibrage devra intégrer une logique de réseaux. Poursuivre la démocratisation de l'enseignement supérieur, c'est aussi mettre à profit les possibilités offertes par la société de l'information. Si la démocratisation de l'enseignement supérieur signifiait, dans les années 1990, accroître les équipements et les capacités d'accueil, elle passe aujourd'hui par la démultiplication de l'accès aux savoirs. Les nouvelles technologies de l'information nous conduiront à reconsidérer la pédagogie comme l'organisation des relations entre centres universitaires et antennes.

Enfin, la vie de l'étudiant doit être au cSur des priorités d'U3M.

Dans la déclaration de politique générale du gouvernement, j'ai annoncé un plan social étudiant. Son premier volet vient de se concrétiser avec un nouveau dispositif d'aides directes. U3M devra encore enrichir ce plan par l'amélioration du logement des étudiants, des bibliothèques et, d'une manière générale, de l'accueil. Améliorer la situation des étudiants c'est poursuivre de façon concrète la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur. Ces actions devront naturellement être menées avec les étudiants, acteurs à part entière de la rénovation des universités.

Mesdames et Messieurs,

L'Université, en créant et en dispensant le savoir, prépare l'avenir de notre société et de notre économie. Développer, par un enseignement universitaire - étymologiquement, universel- le savoir, la culture, la créativité, la personnalité des étudiants, c'est leur offrir à la fois la possibilité d'un épanouissement personnel et une formation adaptée à la nouvelle économie globalisée. Cet investissement dans la ressource humaine est primordial pour notre avenir. Il est de la responsabilité de l'État de l'assumer, dans la concertation, pour le plus grand profit des citoyens et de la Nation.

Le plan U3M portera cette ambition. Je suis convaincu que vos réflexions contribueront à l'enrichir.

Lionel JOSPIN

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