Lettre n°7Convergences, divergences et interférences : les trois instruments financiers mentionnés dans le titre se croisent, s'entrechoquent à l'occasion de la mise en œuvre de la LOLF dans les EPSCP, au point que certains ne savent plus à quel saint se vouer.

Certes chacun des trois sert une vision politique des données financières, mais sous des angles et avec des niveaux de précision fort variables. A l'heure où l'Agence s'apprête à diffuser un Guide méthodologique pour la mise en place d'une comptabilité analytique au sein des EPSCP , il nous a semblé utile de faire le point sur ces différentes notions et leur articulation dans le cadre de la LOLF.

Comptabilité d'analyse du coût des actions LOLF et Budget de gestion

L'article 27 de la loi organique impose à l'Etat la tenue de trois comptabilités : une comptabilité budgétaire suivant le principe « de caisse », une comptabilité générale suivant le principe « d'exercice » et, enfin ; une comptabilité «  destinée à analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes ».

Il ne s'agit pas d'une comptabilité analytique à proprement parler. D'ailleurs, ces termes, évoqués lors de la discussion sur la proposition de loi initiale, ont été écartés : une réelle comptabilité analytique aurait été d'une mise en place bien trop complexe dans le délai imparti. En revanche, les parlementaires tenaient à un outil d'analyse des coûts. De là a découlé l'idée d'axer cette analyse sur le niveau le plus fin de la budgétisation : l'action, décrite à l'article 7 de la LOLF comme élément de composition des programmes.

C'est la naissance d'un hybride entre le budget, acte financier d'autorisation et de prévision, et comptabilité analytique, instrument économique d'analyse et de pilotage : la comptabilité d'analyse du coût des actions .

Dès lors, le principe retenu pour la mise en œuvre de cette comptabilité pour la loi de finances 2006 fut celui d'une approche budgétaire : seuls sont comptés dans les coûts les charges décaissables provenant du budget de l'Etat, sans prise en compte de l'amortissement ou des coûts résultant des contributions d'autres personnes morales.

Cependant, le calcul du coût des actions se rapproche de la comptabilité analytique en ce qu'il ne doit pas s'arrêter à des coûts directs par action. En effet, c'est l'optique du « coût complet des actions » qui est retenue pour l'information des parlementaires [1]  : l'analyse des coûts nécessite que les administrations ventilent les coûts des actions ou programmes de soutien et les services polyvalents dans les actions des politiques publiques. Ainsi, pour le PAP 2006 du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », la présentation du coût des actions se fonde sur la ventilation, selon un schéma de déversement et des clés de répartition précisés, des actions « Immobilier », « Pilotage » et « Dotations globalisées » mais aussi d'autres programmes de la mission, voire d'autres missions [2] .

Dans un premier temps, le ministère, ne disposant pas d'un aperçu clair de la répartition des moyens des opérateurs selon ces axes, s'est appuyé, pour le PAP 2006, sur une répartition macroscopique. Afin d'améliorer de manière itérative, progressive, cette information, le ministère a modifié l'arrêté du 19 mai 1994 [3] et imposé une structure unifiée au budget de gestion des EPSCP à l'occasion d'une circulaire en date du 7 octobre 2005 .

Ainsi, partant d'une consolidation des répartitions par action propres à chacun de ses « opérateurs », l'Etat se trouvera en position de présenter le coût direct par action pour le RAP 2007. Bien entendu, ce coût consolidé comporte, outre le financement de l'Etat, les apports propres des opérateurs. Or, si cette information est utile par ailleurs, la comptabilité d'analyse des coûts telle que définie dans la LOLF ne doit pas les retenir. Dès lors, la connaissance de la répartition des recettes des opérateurs selon leurs origines (part Etat, part hors Etat) est une information nécessaire : elle permettra de dégager le résultat recherché : le coût direct pour l'Etat.

Mais il reste néanmoins deux points en suspens, demandant la contribution des opérateurs. Pour l'Etat celui du déversement des actions support sur les actions opérationnelles et pour les établissements, celui des clés de répartition des moyens entre les actions avec notamment l'épineuse question de la répartition de l'activité des personnels. Ce faisant, on touche du doigt une des limites de l'exploitation du budget de gestion pour assurer le suivi de la LOLF. D'une part les ressources à disposition des opérateurs ne sont pas tous dans son budget et d'autre part le suivi du budget de gestion ne répond que partiellement à un suivi par destination. Une véritable réponse à l'ensemble de ses points passe par la mise en œuvre d'une comptabilité analytique.

Comptabilité analytique : l'analyse du coût des actions LOLF et bien au-delà…

Il importe en premier lieu de définir ce qu'est la comptabilité analytique.

Sa finalité première est de calculer des coûts (des activités, des services, des biens…). Elle permet de fixer des prix mais aussi de fournir des informations de nature à expliquer et analyser les résultats de l'établissement. Sans elle, pas de connaissance exacte des coûts, donc pas de véritable bilan « coût/avantages » possible. Dès lors on peut considérer qu'elle conditionne une gouvernance rationnelle en permettant d'éclairer les choix : c'est tout l'intérêt de la comptabilité analytique comme outil d'aide à la décision.

Aujourd'hui, la comptabilité analytique chez les opérateurs est certes rendue nécessaire dans l'intérêt de l'Etat (pour le perfectionnement de l'analyse des coûts de la LOLF, ainsi que pour la justification au premier euro) mais également pour le pilotage même de l'établissement, qu'il y ait LOLF ou pas.

Pour que la comptabilité d'analyse des coûts de la LOLF fasse apparaître les coûts complets réels de nos activités de recherche, d'enseignement et de diffusion des savoirs, il sera nécessaire que les établissements s'engagent résolument dans la mise en œuvre d'une comptabilité analytique permettant les retraitements nécessaires. Le décret du 14 janvier 1994 nous y invitait déjà ; la LOLF doit nous y conduire. Dans le PAP 2006, les schémas de déversement des coûts de support sont construits sur la base d'une vision macroscopique de l'enseignement supérieur, dans une démarche que le ministère qualifie de « progressive, dont la précision évoluera au fil des exercices, dès lors que les phases d'exécution permettront de valider les méthodes et de se référer à des données comptables. » [4]

Or ces données comptables procèderont essentiellement des opérateurs. C'est pourquoi la DES, dans un document intitulé «  La répartition des moyens des opérateurs par destination en cohérence avec la structure des programmes financeurs de l'Etat », invite les établissements à tendre vers ce coût complet en opérant les retraitements idoines : prise en compte et répartition de charges extrabudgétaires (coûts des personnels Etat) et reventilation du coût des actions de support. Ces données, agrégées, permettront à l'Etat de perfectionner son analyse des coûts.

La LOLF nécessite également une comptabilité analytique pour une autre raison : la justification des demandes de crédits au premier euro (JPE) . Depuis la loi de finances de 2006, le gouvernement doit être en mesure de justifier tous les crédits qu'il demande à la représentation nationale, y compris les crédits qu'il verse aux opérateurs sous la forme de subventions pour charge de service public. Or pour faire la JPE de ces subventions, il est nécessaire que les opérateurs connaissent les déterminants physiques de leurs dépenses (étudiant, programme de recherche, m², …) et calculent les coûts unitaires de ces déterminants.

C'est pourquoi les méthodes de cette JPE, décrites pour l'Etat dans la circulaire du 3 décembre 2004, sont rendues applicables aux opérateurs par la circulaire du 1 er août 2005. Mais, étonnamment, cette dernière ne concerne pas les EPSCP et aucun autre texte n'est venu le leur imposer.

Cependant, à terme, plus ou moins rapproché, il paraît incontournable que les EPSCP aient à répondre aux demandes d'informations du Parlement quant à la JPE. Pour cela, il faudra savoir, par exemple, déterminer le coût d'un étudiant en licence. Or, le modèle SanReMo d'affectation des dotations globales de fonctionnement se révèle désormais inadapté pour cette nature d'information. La détermination des fameux H/E ne relève pas en effet à proprement parlé de véritables critères issus de calculs analytiques.

Sans comptabilité analytique, les établissements seront bien démunis pour justifier, et donc négocier avec le ministère, les moyens dont ils ont besoin…

On l'a vu, la LOLF (coût des actions, JPE) fait que l'Etat a besoin de la comptabilité analytique des établissements, mais celle-ci est avant tout l 'outil nécessaire du pilotage stratégique de l'établissement . Répondre aux demandes d'information issues de la mise en œuvre de la LOLF c'est bien évidemment un devoir pour tout organisme qui tire l'essentiel de ses ressources des deniers publics. Mais mettre en place une comptabilité analytique c'est aussi et peut être surtout se doter d'un outil performant et indispensable pour assurer pleinement son autonomie en se donnant les moyens de disposer des informations utiles et nécessaires au pilotage d'un établissement.

La vision macro-économique de l'Etat doit fort logiquement être complétée au niveau d'un établissement pour diverses raisons :

  • d'une part certains axes de développement d'un établissement peuvent ne pas figurer en tant que tels dans les actions LOLF (politique internationale ou ouverture au monde socio-économique par exemple) ;
  • d'autre part, la grille d'affectation des activités aux actions adoptée par le ministère comporte un certain nombre de choix qui ne correspondent pas nécessairement à ceux d'un établissement (regroupement des charges de logistiques au sein d'une action par exemple) ;
  • de même, les besoins spécifiques de l'établissement tout particulièrement liés à ses relations avec les partenaires autres que l'État imposent la mise en place d'une comptabilité analytique qui ne peut pas s'appuyer sur les actions de la LOLF. Tel est notamment le cas pour les programmes européens ou des opérations financées pour partie ou en totalité par des organismes publics ou privés ;
  • également, un établissement peut souhaiter disposer d'informations de nature à éclairer ses choix internes d'organisation (création d'une filière d'enseignement, allocation budgétaire entre composantes,   internalisation ou externalisation d'une activité par exemple) ;
  • enfin, les diverses réglementations liées à la nature de certaines activités d'un EPSCP imposent la tenue d'une comptabilité analytique de nature à justifier le prix de vente d'un produit ou d'une prestation de services (cf. décret du 14 janvier 1994 pour les EPSCP, droit de la concurrence, Code des marchés publics et Code général des impôts pour toutes les entités publiques intervenant dans la sphère concurrentielle).

C'est la raison pour laquelle, l'Agence publiera à la fin du mois de mars un « Guide méthodologique pour la mise en place d'une comptabilité analytique au sein des EPSCP ». Ce document est issu de la réflexion d'un groupe de travail qui s'est penché au cours de l'année en 2005 sur les questions fondamentales que pose la mise en œuvre de cette matière dans le contexte universitaire. Son objectif est d'offrir aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche les éléments sur lesquels ils pourront prendre appui pour élaborer leur propre système de comptabilité analytique. Dans cette optique, le guide, tout en rappelant les éléments théoriques incontournables de cette matière, s'attache à les rapporter au contexte des EPSCP en s'appuyant notamment sur des exemples pratiques. Enfin, et pour coller le plus possible à la réalité, une phase d'expérimentation de mise en place d'un comptabilité analytique se déroulera en 2006 et 2007 au sein de deux établissements volontaires. Les enseignements de cet accompagnement seront bien évidemment eux aussi diffusés à l'ensemble de la communauté.

Pour conclure, on le voit, se « contenter » de calculer le coût des actions LOLF ne répond à l'évidence que très partiellement aux nécessités qu'impose à un établissement un exercice responsable de son autonomie. C'est bien une démarche de contrôle de gestion qui doit s'instaurer au sein des EPSCP. L'enjeu de la mise en place d'un système de comptabilité analytique consiste pour ces établissements à se donner les moyens d'alimenter leurs outils de pilotage afin d'autoriser des réponses adaptées aux besoins tant internes qu'externes.

[1] Guide d'audit de l'analyse des coûts, Comité Interministérielle d'Audit des Programmes, juillet 2005, page 2

[2] Cf. schéma de déversement dans le PAP 2006 de la MIRES pages 95 à 97

[3] Arrêté du 14 novembre 2005

[4] PAP 2006 de la MIRES pages 95

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