Le consortium Couperin organisait, le lundi 18 octobre, son AG de rentrée au ministère de la Recherche.

Geneviève Gourdet, sa présidente, accueillait, dans l'amphithéâtre "Henri Poincaré", les membres du réseau pour une réflexion commune sur le travail de l'association.

Créée à l'initiative de Jean-Yves Mérindol (alors Président de Strasbourg I) et d'Iris Reibel-Bieber (directrice du SCD) cette organisation regroupe des professionnels de la documentation de l'enseignement supérieur.

Sa principale mission est d'évaluer, négocier et acheter au meilleur prix des produits documentaires pour le compte de ses adhérents. Fort de 174 membres (universités, écoles supérieures, organismes de recherche) le réseau Couperin organise des groupements d'achats pour donner plus de poids aux acheteurs dans leurs discussions avec des éditeurs de plus en plus puissants sur ce marché si spécifique.

Cette réunion fut l'occasion de faire un état des lieux sur l'avancée des négociations branche par branche (Sciences Humaines et Sociales, Sciences etc..) mais aussi de faire valider une politique d'achat sur le dossier le plus délicat actuellement.

Il fut ainsi beaucoup question des négociations avec la société Elsevier qui possède une majorité des titres scientifiques intéressant les bibliothécaires universitaires français. Les premiers temps de la négociation s'étant déroulés de façon inattendue (la deuxième proposition de l'éditeur se révélant plus onéreuse que la première) les négociateurs choisirent de refuser les propositions tarifaires. La majorité des membres présents lors de l'AG approuvèrent cette attitude par un vote unanime

Le pot de fer contre le pot de terre…

Le "bras de fer" qui oppose ces professionnels de la documentation avec l'éditeur omniprésent est particulièrement délicat à gérer. En situation de quasi-monopole Elsevier est incontournable sur le marché. D'un autre côté les acheteurs ne peuvent faire jouer la concurrence et ne peuvent non plus boycotter ce fournisseur. Comment expliquer aux chercheurs qu'ils leur faudra se passer de telle ou telle revue pendant un an? Certains pays européens choisirent cette option du boycott pour faire entendre leurs désaccords mais n'ont eu d'autres choix que de revenir dans le giron de l'éditeur américain.

Beaucoup ont regretté la politique tarifaire de ce dernier qui se montre inflexible. Les acheteurs se présentent rassemblés pour négocier une offre globale mais Elsevier répond de manière fragmentée en fonction de la taille des établissements adhérents au groupement de commande. L'accession au statut de GIP pourrait modifier cet état de fait.

C'est un travail d'importance qui est réalisé par le biais de ce consortium pour garantir une diversité et une pluralité de l'information scientifique au sein des établissements. "Nous ne cherchons pas à dépenser moins mais à dépenser mieux" faisait remarquer Louis Klee. Au delà de ces négociations commerciales le réseau Couperin se veut aussi un lieu d'échange et de mutualisation des compétences pour penser, de manière transversale et globale, la politique documentaire de tous ses membres.

Rencontre avec Geneviève Gourdet (présidente), François Cavalier (Responsable du département "Coordination des Négociations Documentaires") et Louis Klee (coordinateur du bureau professionnel)

Le consortium n'est pas encore organisé en GIP, est ce un de vos objectifs et quels avantages cela peut il vous procurer?

Geneviève Gourdet : Le GIP n'est pas encore constitué, effectivement, mais nous oeuvrons dans ce sens. L'avantage que nous pourrions en retirer et de faire acquérir au consortium la personnalité morale. Actuellement nous négocions de manière globale pour les membres du groupement de commande mais chaque entité doit ensuite passer son marché avec les éditeurs. Dans le cadre d'un GIP nous n'aurions plus qu'un seul marché à passer. Cette simplification des procédures pourrait entraîner d'autres baisses tarifaires.

Que vous inspire un projet comme le Public Library of Science [www.plos.org]?

Genviève Gourdet : C'est un modèle sur lequel nous réflechissons.

Louis Klee : Notre manifeste y fait indirectement référence. Il faut encourager l'utilisation de modèles libres et alternatifs qui pourront cohabiter au côté des éditions commerciales.

François Cavalier : Nous ne voulons pas être un supermarché de la documentation. Nous cherchons à aider les établissements dans leurs politiques de documentation. Nous souhaitons par ailleurs que le consortium Couperin soit un lieu de réflexion autour des aspects de notre profession pour orienter avec la meilleure intelligence possible ces politiques.

Louis Klee : Nous avons une démarche de réseau. On sort du territoire pour entrer dans le réseau. Nous travaillons dans l'esprit de l'autonomie des universités. Une bonne politique documentaire est la capacité de chacun de nos membres à offrir à ses enseignants et chercheurs des ressources diversifiées et pluralistes.

Il a été beaucoup question lors de votre AG de ces "négociateurs" qui se portent volontaires pour mener à bien les politiques d'achat. Les négociations commerciales de ce niveau ne sont pas a priori dans votre domaine de compétence?

François Cavalier : Ce sont des professionnels de la documentation qui mènent ces négociations. Ils possèdent évidemment le bagage technique nécessaire. Cependant il nous manque des compétences en négociation commerciale, c'est un fait.

Ces questions ne sont pas traitées dans les formations de base de l' ENSSIB [Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques].

Pour répondre à ce besoin et à la demande de Couperin, deux jours de formation, du 2 au 5 novembre, seront organisés à l'ENSSIB pour traiter, avec les étudiants, des aspects techniques, économiques et juridiques de la négociation.

Louis Klee : Deux logiques s'affrontent dans ce type de tractation. Une commerciale et une scientifique. Chacun essaie de parvenir à un but différent. L'un cherchera le profit quand nous essaierons de nous procurer les sources d'informations les plus pertinentes pour la recherche et l'enseignement. Le choc des deux mondes est particulièrement difficile à gérer.

Justement ne craignez vous pas que cette logique commerciale puisse influer sur celle scientifique et desservir l'offre d'une information de qualité?

Louis Klee : Ce type d'édition a connu des crises de confiance importantes. Je me souviens par exemple du New England Journal of Medicine qui a vu deux de ses rédacteurs en chef successifs démissionner. Ils étaient en désaccord avec le mécanisme de sélection des articles.

François Cavalier : Les fusions opérées par Elsevier peuvent se révéler dangereuses pour l'information scientifique. Ces situations monopolistiques engendrent des rapports de force qui peuvent défavoriser les bénéficiaires de ces publications. La frontière entre logique commerciale et scientifique est ténue. La travail de Couperin participe aussi à la défense de ce pluralisme dans la diffusion de l'information scientifique.

Geneviève Gourdet : C'est pourquoi nous demandons que cette question soit débattue au plus haut niveau de responsabilité. En Grande Bretagne la commission science et technologie de la Chambre des Communes a récemment publié un rapport concernant la gratuité de l'accès à l'information scientifique [cf lien ci-dessous]. Nous souhaiterions aborder cette question primordiale concernant la diffusion de cette connaissance. Nous demandons que ce débat soit incorporé à celui concernant l'avenir de la recherche parce qu'il lui est intimement lié.

 


 

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