Dans le monde de l'édition scientifique deux modèles s'affrontent.

Dans le monde de l'édition scientifique deux modèles s'affrontent.

Il y a d'abord celui, classique, du "lecteur payeur", qui prévaut aujourd'hui dans les laboratoires de recherche.

Le coût des abonnements à ces revues très spécialisées, outils indispensables aux chercheurs et enseignants, est devenu de plus en plus difficile à gérer pour les responsables des services de documentation (voir ActU sur le réseau Couperin (1) ). Comment faire au mieux avec un budget limité ? Comment accèder au maximum de connaissance et fournir aux chercheurs de l'institution le maximum de "matière" pour pouvoir travailler ?

Pour y faire contre-poids un autre modèle économique commence peu à peu à s'affirmer. Celui du libre accès.

Dans cette configuration le lecteur ne paie pas pour consulter les articles. C'est l'auteur qui s'acquitte de cette charge.

Le Journal PloS ("Public Library of Science") est un exemple de modèle libre dans le monde de la publication scientifique. Basé à San Francisco cet éditeur propose une alternative aux publications classiques en assurant une diffusion totale de la connaissance grâce à son modèle original.

Vivian Siegel est la directrice du PLoS(2). Elle répond aux questions d'ActU et explique qu'au-delà de la rentabilité financière d'autres objectifs sont en jeu.

Qui est à l'origine de ce projet et pourquoi avoir décidé sa création ?

PloS est une association a but non lucratif qui a été créée en 2000. Notre première action a été de publier une lettre ouverte signée par plus de 30,000 scientifiques et sympathisants. Ce texte demandait aux éditeurs de permettre le libre accès aux publications scientifiques et de les archiver dans des bases de données afin d'en faciliter la recherche.

Peu de périodiques ont répondu positivement à cette requête. Alors, après avoir consulté nos adhérents, PloS a décidé de devenir un éditeur. Avec le généreux support de la fondation "Gordon and Betty Moore" nous avons engagé notre premier employé en décembre 2002.

Harold Varmus, Pat Brown et Michael Eisen sont à l'origine de ce projet. Etant eux-mêmes des scientifiques ils étaient particulièrement intéressés par la création d'une base de données pour les publications scientifiques qui aurait permis de chercher plus rapidement l'information désirée. A cette époque Harold Varmus était le directeur du NIH [National Institutes of Health] et une de ses dernières décisions à ce poste fut de créer PubMedCentral(3) qui propose, en libre accès, des publications en science de la vie.

Pouvez vous nous décrire votre processus de publication ? (Qui paie ? Qui sélectionne les articles ?)

Notre système de sélection répond aux standards les plus exigeants. Les membres du comité scientifique sont choisis sur la base de leurs expertises, leurs compétences et leurs capacités à offrir une revue de qualité.

Nous demandons aux auteurs de couvrir les coûts de publication qui sont approximativement de 1500$ [env. 1140 euros]. Dans les faits ce sont les institutions auxquelles ils sont rattachés qui prennent en charge ces frais.

Cependant la capacité financière des auteurs n'est pas, pour nous, un critère de sélection. Ceux qui ne peuvent payer qu'une partie des charges, ou aucune, doivent simplement l'indiquer au moment de la soumission de leur article. Cette information n'est pas communiquée aux personnes qui ont un pouvoir de décision dans le processus de sélection.

La participation financière demandée aux auteurs n'est pas nouvelle. Beaucoup de publications demandent aux auteurs de supporter des coûts par page ou pour les reproductions couleurs. Dans de nombreux cas le montant dépasse les 1500$ que nous demandons. Nous sommes, en fait,moins restrictif dans nos procédures d'exonération de charges que bien de ces publications qui demandent aux auteurs de "prouver" qu'ils n'ont pas les moyens de couvrir ces frais, avant d'en être exonérés.

Est ce que ce modèle économique du "libre-accès" est viable ? Etes-vous ou serez-vous rentables dans un futur proche ? Ou aurez-vous besoin de soutiens financiers externes (lecteurs, institutions) ?

Nous ne sommes pas des gestionnaires mais notre modèle nous laisse envisager que notre opération deviendra viable dans les trois à cinq ans à venir. Des économistes, qui ont étudié le modèle du libre accès (voir les résultats publiés par le Wellcome Trust [4] ), comme celui classique du "lecteur payeur", ont conclu, de manière indépendante, que le modèle libre est économiquement viable. A l'inverse, celui payant, d'après leurs conclusions, ne l'est pas.

Y a t-il une différence, sur le fond, entre une publication en libre accès et une revue classique payante ?

La qualité scientifique des journaux varie, mais pas à cause de leurs modèles économiques. Nous avons réunis un groupe de scientifiques et d'éditeurs pour créer ce que nous pensons être le système idéal pour sélectionner les manuscrits à publier. Un éditeur scientifique professionnel travaille en binôme avec un chercheur issu du milieu académique pour réfléchir de manière constructive et objective sur les articles qui leurs sont soumis. Nous nous sommes engagés à créer une publication qui soit dirigée par la communauté et nous nous adresserons toujours à la communauté scientifique et médicale pour savoir comment les servir au mieux.

Pensez-vous que les publications en accès libre vont pouvoir concurrencer celles payantes ? A la fois économiquement et scientifiquement ?

Les journaux en libre accès concurrencent déjà les publications traditionnelles. Il suffit pour cela de constater la croissance rapide du journal "PloS Biology". La première édition contenait 9 articles et un an plus tard c'est 23 articles qui y étaient présentés.

La concurrence économique est aussi inscrite dans les faits. Nous présentons une offre sérieuse pour les auteurs qui demandent le plus large accès possible à leurs travaux.

Un nombre croissant de journaux traditionnels sont en transition et vont offrir des options de libre accès à leurs auteurs.

"Nucleic Acids Research", un journal qui a une longue histoire, a décidé de paraître uniquement en libre accès.

Est ce que la publication sur Internet est la prochaine étape de la publication scientifique ou un autre mode qui va cohabiter avec l'ancien ?

Chercher des articles en ligne, les lire directement sur une page Internet ou les télécharger sur son ordinateur, devient la méthode employée de manière croissante par les scientifiques pour fouiller la littérature qui les intéresse. Les publications "en ligne" sont déjà sur le marché et il nous reste à améliorer la façon dont l'information est présentée pour réellement maximiser l'utilité du web.

Crédibilité et visibilité sont sans doute des axes importants pour un publication scientifique. Comment travaillez vous à la consolidation de ces piliers ?

J'ai travaillé pour Benjamin Lewin, le fondateur de "Cell", pendant plusieurs années. Son leitmotiv était "la qualité parle d'elle même". En instituant des standards de haut niveau et en nous y tenant nous avons déjà acquis une réputation d'éditeurs "crédibles" pour les meilleurs travaux de recherche.

En étant gratuitement accessible nous sommes aussi relativement visibles mais nous travaillons pour accroître cette visibilité de plusieurs manières. Chaque article qui est publié sur "PloS Biology" ou "PloS Medicine" est accompagné par un synopsis, accessible aux non-spécialistes, écrit par un rédacteur scientifique. Ces synopsis forment souvent la base de nos communiqués de presse. Beaucoup de nos articles sont discutés dans la presse internationale, ce qui les fait largement connaître.

Vous êtes sur le point de lancer deux nouvelles publications ("PloS Genetics" et "PloS computationnal biology"). Répondez-vous à une demande de vos lecteurs ou est-ce une décision stratégique destinée à couvrir de plus en plus de champs de recherche ?

Nous avons toujours eu pour objectif de créer des journaux pour des domaines particuliers. Les éditeurs présents sur ces domaines se demandent si le modèle libre fonctionnera pour eux. Nous nous engageons à fournir quelques exemples dans ces spécialités. Ce faisant nous proposons aux auteurs l'opportunité de publier leurs travaux sur un support en libre accès et nous offrons aussi la possibilité aux éditeurs de découvrir un exemple de libre accès appliqué à leur matière et, pourquoi pas, les inviter a transiter vers ce modèle.

Ces domaines de recherche regroupent de nombreux scientifiques qui sont favorables à l'échange libre de données, souvent avant publication, et qui sont ainsi susceptibles de soutenir la création d'une publication libre accès. Il y a aussi des spécialités où des journaux au large spectre comme "PloS Genetics" ou "PloS Computationnal Biology" n'existent pas vraiment. Notre offre n'est pas seulement une alternative de publication mais aussi de lancer un journal qui va générer une dynamique de réflexion.

Les chercheurs nous ont demandé de lancer des journaux de ce type et, en fait, la société internationale d'informatique et biologie, qui sont nos partenaires sur "PloS Computational biology", s'apprêtait à lancer un journal exactement comme celui-ci. Ils nous ont contacté pour nous faire une proposition. Nous supposions que le moment était venu de lancer un tel journal dans ce domaine de recherche, leur proposition nous a conforté dans cette analyse.

 

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