La rénovation pédagogique mise en place au printemps 1997 répondait à des objectifs assez hétérogènes, puisqu'il s'agissait aussi bien de lutter contre l'échec en premier cycle, d'accorder de nouveaux droits aux étudiants, de moderniser l'organisation des cursus, etc.



Un moment de transition


Après deux ans d'application, le comité de suivi de la réforme s'est réuni une dernière fois fin janvier et a procédé à la discussion des résultats d'une enquête effectuée auprès de 75 établissements par les conseillers d'établissements de la direction des enseignements supérieurs. Les principaux éléments de l'enquête présentés à cette occasion par Bernard Alluin recoupent les analyses générales des divers observateurs du dossier et permettent déjà de lancer des débats pour l'avenir.

La réforme ne se présentait pas comme une révolution. Elle ne l'est assurément pas. Certains n'y ont vu qu'une source de lourdeurs administratives et de réglementation trop tatillonne, qui contournait soigneusement le traitement des enjeux stratégiques plus délicats. Mais dans l'ensemble, elle semble au moins avoir servi d'opportunité dans les universités pour mettre à plat un certain nombre de questions relatives à la formation et aux relations avec les étudiants, ce qui est déjà un acquis intéressant. Il reste qu'elle ressemble beaucoup plus maintenant à une étape dont le sens se diluerait dans la routine si d'autres processus d'évolution des formations n'étaient pas mis en chantier dans les années qui viennent.


Pas d'avancée majeure en matière de réorientation


L'une des ambitions affichées de cette réforme consistait à ménager des dispositifs de réorientation en cours d'étude, notamment afin de réduire les échecs liés à des orientations initiales malheureuses.

Le dispositif prévoyait notamment une phase de réorientation à l'issue du premier semestre. Force est de constater que cette tentative se solde par un échec, sauf dans un très petit nombre d'établissements. Globalement, les réorientations à l'issue du premier semestre restent marginales, et l'on peut prédire que le dispositif sera abandonné de fait dans les mois qui viennent. Rien en permet, en effet, de conclure que les réorientations permises par les textes de 1997 sont significativement plus nombreuses que les réorientations « spontanées » qui intervenaient auparavant dans le système, notamment dans les établissements qui avaient d'eux-mêmes expérimenté des dispositifs locaux dans ce sens.

Le résultat était prévisible : les enquêtes sociologiques menées sur ce thème convergent pour montrer que l'étudiant en difficulté « s'accroche » le plus longtemps possible en espérant profiter d'une deuxième chance supposée aux épreuves de fin d'année ou lors de la seconde session, la perspective d'une meilleure réussite dans une autre filière ne lui apparaissant (à juste titre ?) pas forcément plus crédible que dans sa filière actuelle.

De plus, un certain nombre d'étudiants en échec sont des « malgré eux », c'est-à-dire des étudiants qui auraient préféré une inscription en IUT ou STS et ne viennent à l'université qu'en choix par défaut.

L'éventuelle ouverture vers une autre filière universitaire ne constitue donc pas, pour eux, une opportunité plus attractive. A contrario, on s'aperçoit que les quelques dispositifs de réorientations concertés avec des STS fonctionnent plutôt bien. Reste la question des IUT. Ces derniers se sont rarement joints au dispositif et ne ménagent ainsi qu'exceptionnellement des dispositions permettant à des étudiants de les rejoindre en cours d'année. Souvent désireux de trouver pour leurs titulaires de DUT des poursuites d'études dans les autres formations universitaires , les IUT semblent moins soucieux de susciter des mouvement dans l'autre sens…


Une vraie-fausse semestrialisation


Ce problème soulève également la question de la « vraie-fausse » semestrialisation de la réforme Bayrou. De fait, les cursus de DEUG sont actuellement au mieux annuels et organisés en semestre, mais rarement vraiment semestrialisés. La plupart des étudiants ne s'y trompent pas, et considérent être engagés dans une logique annuelle, avec simplement des programmes parfois découpés en deux tranches semestrielles.

Dès lors, les étudiants en difficulté vivent une réorientation en fin de premier semestre comme un processus de sortie « brutale » et anormal, et non comme un changement d'aiguillage normal après une première étape qui aurait sa propre cohérence.

De plus en plus de voix s'expriment par ailleurs pour aller plus loin dans la voie d'une réelle semestrialisation, notamment dans l'optique d'une facilitation des échanges internationaux et de la mobilité étudiante.

Nul doute que s'ébauche ici l'un des grands chantiers à venir pour la prochaine rénovation des cursus.


Des premiers cycles toujours tubulaires


Si la réforme avortée de 1992 (menée par Lionel Jospin et Claude Allègre) semblait reprise être dans ses grandes lignes par F. Bayrou, ce dernier s'en éloignait sur un point fondamental , la pluridisciplinarité, ce qui hypothèque de fait les tentatives de réorientation ou d'orientation progressive.


Par prudence, les textes de 1997 privilégiaient en effet une conception très classique de premiers cycles plutôt « tubulaires » et monodisciplinaires, ce qui permit en 1997 d'éviter les oppositions rencontrées par Claude Allègre. Au point que certaines universités qui s'étaient engagées dans la construction de premiers cycles à tendance pluridisciplinaire ont du faire machine arrière et arrêter l'expérience en cours ! Or, notamment dans le secteur des lettres et sciences humaines, l'un des problèmes majeurs d'orientation provient justement de la spécialisation précoce des cursus…

On constate d'ailleurs depuis 20 ans que les dispositifs innovants sont souvent plus denses dans les premiers cycles scientifiques, moins disciplinaires et plus favorables au travail en équipe des enseignants.


L'unité d'enseignement diversement investie


Parmi les nouveautés pédagogiques de 1997 reprises de 1992, figurait l'introduction d'enseignements de méthodologie (sous la forme d'une unité d'enseignement). Toute l'ambiguïté venait de ce que l'on mettait sous cette étiquette. De fait, on constate que certains établissements ont réalisé des efforts substantiels pour imaginer une formation au « métier d'étudiant » (cf. aussi l'ouvrage d'Alain Coulon sur ce concept), c'est-à-dire un apprentissage des méthodes et des savoir-faire indispensables pour s'approprier les normes du travail universitaire et exploiter au mieux les savoirs transmis.

D'autres, en revanche, se sont contentés de refaire dans ce cadre du « disciplinaire », en profitant de cette UE pour approfondir les méthodes liées à la matière de référence ou, pire, pour rajouter une sorte de séance supplémentaire des traditionnels « travaux dirigés ».

En l'occurrence, le texte national n'est pas en cause : ce type d'innovations repose naturellement sur la capacité des établissements et des formations à se dote de véritables équipes pédagogiques qui puissent susciter une réflexion dépassant la seule transmission académique des savoirs disciplinaires…


Des examens de plus en plus lourds à organiser


L'une des grosses innovations de 1997 résidait dans les nouveaux droits accordés aux étudiants, pour lesquels les organisations étudiants avaient mené une discussion serrée avec le ministère de l'époque.

Incontestablement, une grande majorité des universités s'est conformée aux nouvelles dispositions, en s'efforçant (parfois non sans réticences de la part de certaines composantes) notamment de généraliser l'anonymat des copies et la suppression des notes éliminatoires.

De même, la capitalisation et la compensation des unités d'enseignement rentre dans les mœurs, sans toutefois qu'il soit aisé à ce stade d'évaluer la portée des conséquences en termes de réussite des étudiants.

Revers de la médaille, les universitaires se plaignent quasi-unanimement de la lourdeur administrative des examens, véritable usine à gaz qui mobilise l'énergie de toute l'université pendant de longues semaines.

En voulant donner de nouvelles possibilités à tous, sans toutefois s'attaquer aux questions les plus épineuses, la réforme Bayrou a en effet accouché d'un dispositif réglementaire d'une complexité qui n'a d'égale que son manque de cohérence.

C'est ainsi que l'étudiant capitalise le bénéfice des notes positives des UE… mais peut aussi compenser celles qu'il a raté avec celles qu'il a réussi.

C'est ainsi que l'année est découpée en semestres, avec les examens et les sessions de rattrapage conséquentes, mais sans aller jusqu'au bout de la semestrialisation, qui impliquerait la fin de la session générale de rattrapage dite « de septembre ».

C'est encore ainsi que les oraux ont été dans bien des cas supprimés par impossibilité matérielle, puisque la fin du système admissibilité/admission n'a pas été rééquilibrée par un allégement du nombre de matières donnent lieu à examens.

Les arrêtés de 1997 , en ne tranchant pas des questions de fond sur la nature des formations (place des disciplines, des matières, des examens…) a favorisé l'empilement de dispositifs qui produisent aujourd'hui une réglementation touffue et contraignante, qui pèse parfois sur les missions pédagogiques plus qu'elle ne les sert…


L'évaluation des enseignements fait son chemin


Enfin, il faut signaler que l'évaluation des enseignements est une idée qui fait son chemin.

On est encore loin d'une généralisation et d'un consensus sur cette question, mais le sujet ne relève déjà plus du tabou.

Une grand nombre d'établissements imaginent des dispositifs variés, adaptés aux situations locales, qui, même partiels dans leur ampleur, contribuent à débarrasser le thème de l'évaluation de son odeur de souffre, qui bloquait toute expérimentation sereine.

Les dispositifs existants montrent d'ailleurs que l'évaluation des enseignement ne débouche en général ni sur la démagogie ou la stigmatisation redoutée, ni sur de miraculeuses révélations espérées. Parfois même, les étudiants restent relativement indifférent aux possibilités d'expression ainsi offertes quand ils n'y voient qu'un questionnaire un peu abscons à remplir. En revanche, elle contribue indéniablement à favoriser le dialogue dans l'université, et montre surtout, au moins symboliquement, que l'enseignement est bien au service de l'étudiant…

 

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