La journée sur la professionnalisation des filières littéraires organisée par l'AMUE le 23 octobre dernier a permis de témoigner des efforts des responsables de filières de lettres et sciences humaines (LSH) pour ne pas borner l'horizon de leurs étudiants à la seule préparation des carrières de l'enseignement et de la recherche : construction de parcours pré-professionnalisants, développement de stages, ouvertures de licences pros, création de DESS…

La journée sur la professionnalisation des filières littéraires organisée par l'AMUE le 23 octobre dernier a permis de témoigner des efforts des responsables de filières de lettres et sciences humaines (LSH) pour ne pas borner l'horizon de leurs étudiants à la seule préparation des carrières de l'enseignement et de la recherche : construction de parcours pré-professionnalisants, développement de stages, ouvertures de licences pros, création de DESS…

Des efforts salués par Blandine Barret-Kriegel, en charge d'une commission sur les troisièmes cycles littéraires, qui a encouragé les participants à venir au colloque national le 11 décembre prochain sur ce dernier thème.

Tout au long de la journée, les témoignages des intervenants ont fait apparaître certains constats communs :

- les étudiants en LSH acquièrent dans leurs disciplines des compétences (culture générale, maîtrise de la rédaction, rigueur d'analyse d'un document…) et des capacités d'adaptation (notamment relationnelles) qui peuvent présenter un intérêt certain dans des métiers que l'on n'a pas spontanément l'habitude d'imaginer accessibles aux « littéraires » ;

- des dispositifs de sensibilisation et de prise en compte de la dimension "professionnelle" sont nécessaires pour dépasser la vision commune des étudiants, des enseignants et des professionnels sur les devenirs possibles de ces étudiants ;

- l'ouverture du spectre des débouchés nécessite, la plupart du temps, de compléter la formation disciplinaire d'origine par une formation complémentaire issue d'autres disciplines ou d'autres univers culturels.

Les échanges ont également souligné l'absence de formule miracle, la difficulté de résoudre les problèmes des étudiants qui viennent en premier cycle littéraire « par défaut », la nécessité de souplesse et de capacités d'adaptation trop souvent contrariée par les dispositifs nationaux, plus riches en réglementations de toutes sortes qu'en moyens accordés pour innover.

Pierre-Henri Tavoillot, conseiller technique au cabinet de Jack Lang, a assuré à ce propos qu'il fallait effectivement faire confiance aux initiatives des universités autonomes, qui ont besoin d'un cadre national plus que d'orientations uniformes.

Les témoignages de professionnels (BNP-Paribas, Association des agences de conseil en communication) comme les statistiques (OURIP, APEC) ont montré qu'il n'y a pas de fermeture de principe de secteurs professionnels aux diplômes de SHS, et que, selon Michèle Ouziel (responsable de l'espace jeunes diplômés à l'APEC) « la filière de formation n'est que l'un des paramètres déterminants de l'insertion professionnelle ».


Quelques éléments issus des échanges

(le compte-rendu intégral de la journée sera prochainement publié sur ce site )

Le renouvellement massif à venir des effectifs enseignants va induire une nécessaire réflexion sur la meilleure façon d'attirer et de former de futurs enseignants, ainsi que l'a souligné en introduisant la journée; Anne-Marie Cocula, ancienne présidente de l'université Bordeaux 3.

Néanmoins, les filières littéraires ne peuvent plus se penser dans la seule perspective des concours des IUFM et du CAPES ou de l'Agrégation.

Certains constats interpellent d'ailleurs les enseignants de ces formations, qu'il s'agisse de l'orientation par défaut vers les filières de LSH d'étudiants qui auraient préféré des filières courtes ; des modes erratiques vers telle ou telle discipline (histoire de l'art, psychologie ou sociologie par exemple) qui coexiste avec une relative stagnation des effectifs en lettres ou langues ; ou encore d'une fragilisation des connaissances induites par les réformes successives, qui ont pu produire une certaine parcellisation des savoirs.

La journée a montré deux principaux types de réponses apportées au défi de la professionnalisation en LSH :

- une meilleure prise en compte de la dimension professionnelle au cœur même des cursus classiques, que ce soit par la réforme de leur architecture ou par l'introduction de stages pré-professionalisants

- le développement de diplômes professionnels à l'image des DESS ou des nouvelles licences professionnelles


Des parcours diversifiés mais cohérents, liés aux domaines professionnels

Comment diversifier les parcours sans favoriser l'émiettement des savoirs par des formations « à la carte » ? C'est la contradiction que l'université de Rennes 2 s'est efforcée de résoudre en engageant en 1995 une réforme d'ampleur de tous ses DEUG (23 dans l'établissement !).

Avec deux principes à la base : d'une part sortir d'une vision monodisciplinaire tout en reconnaissant l'ancrage disciplinaire, d'autre part construire une offre de formation en fonction de cinq grands domaines professionnels définis à partir des devenirs constatés des étudiants de LSH.

Comme le rappelle J. Degouys (enseignant en psychologie et l'un des initiateurs de cette réforme), « on s'est aperçu que de nombreux étudiants avaient des devenirs professionnels très différents de ce qu'imaginaient les enseignants ».

Ce constat a servi de levier pour ne pas nier les identités disciplinaires, mais au contraire les valoriser en les enrichissant d'un apport complémentaire et réciproque entre elles.

Chaque étudiant, en sus de sa discipline initiale (« enseignement fondamental »), doit ainsi choisir un enseignement de diversification qui peut être une autre discipline de l'université, un enseignement thématique professionnel (ex. travail social) ou un enseignement de complément pensé dans la logique de la discipline de départ (ex. histoire pour géographes ou arts plastiques pour histoire de l'art).

Il n'était pas question, selon Jacques Degouys, d'ouvrir aux étudiants tous les « possibles », ni de tomber dans un dispositif laissant coexister le choix entre un enseignement d'ouverture vers une autre discipline et un approfondissement de la discipline d'origine (ce qui conduit généralement les étudiants les plus fragiles à, se réfugier dans le monodisciplinaire).

C'est pourquoi la structuration des formations par les différents parcours possibles pour préparer un métier donné s'est révélée le moyen d'ouvrir les disciplines sans disperser les savoirs.

La viabilité de cette expérience a reposé sur une politique volontariste de toute l'université, puisque la condition était que chaque UFR et département s'engage en même temps et au même niveau que les autres, tout le système reposant sur des principes transversaux

Des plages horaires communes ont par exemple du être fixées pour l'ensemble des premiers cycles, afin de permettre les articulations entre enseignements fondamentaux et diversifiées dans tout l'établissement.

Si des outils comme Apogée ont pu aider en ce sens, J. Degouys reconnait que la gestion de cette réforme est lourde, les évolutions difficiles à introduire, surtout quand des textes réglementaires très directifs, comme les textes de 1997 (« réforme Bayrou ») devaient être intégrés en cours de route.

Les acquis de cette réforme sont en revanche indéniables, tels que l'augmentation du taux de réussite les premières années, l'acculturation professionnelle de l'établissement et la prise en compte lors du recrutement, par l'environnement socio-économique, des parcours ainsi construits.

On peut également penser que cette expérience ne manque pas d'intérêt dans la perspective des réformes envisagées avec la construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur, même si sa transposition à d'autres établissements peut s'avérer délicate…

Les stages entrent dans les mœurs des littéraires

« Un stage à nul autre pareil », c'est ainsi que Nicole Fick (Doyen de la faculté de Lettres et Philosophie) et Jacques Dutertre (ancien vice-président délégué aux relations avec les milieux professionnels), décrivent leur expérience des Unités d'Expérience Professionnelle à l'université de Bourgogne.

De fait, il n'était pas question de reprendre pour des étudiants littéraires les pratiques habituelles de stage d'application des connaissances du cursus.

C'est d'ailleurs sans doute pourquoi il a fallu, selon le témoignage de N. Fick, « se battre pour que les enseignants admettent qu'un stage en entreprise puisse apporter quelque chose à leurs étudiants ».

Or, certains ont finalement joué le jeu, notamment parmi les philosophes, et accepté d'envoyer des étudiants de maîtrise dans une établissement de Schneider à la découverte de l'entreprise !

Du côté des entreprises, deux formules ont été utilisées.

La première, le stage de découverte, consistait à permettre à un étudiant de faire connaissance avec l'entreprise et ses différentes facettes, de l'atelier de base jusqu'au service d'études et développement par exemple.

La deuxième, le stage dans un service, impliquait plutôt une activité précise ouvrant sur une confrontation avec des logiques professionnelles.

Les intervenants ont conclu que si, initialement, ce n'étaient pas les meilleurs étudiants (au sens scolaire du terme) qui avaient choisi de faire des UEP, « ils sont devenus aussi bon que les autres à l'issue de cette expérience ».

Le débat à fait apparaître que de nombreux établissements s'étaient engagés dans cette expérience avec profit, si tant est que les enseignants comprennent que ce sont les qualités intellectuelles mises en œuvre qui sont importantes, plus que l'objet d'application des connaissances.

Deux problèmes ont en revanche été pointés :

- l'absence de relais des instances locales du MEDEF depuis deux ans (à l'exception notable de la région lyonnaise), alors qu'il est à l'origine du dispositif en 1997

- les blocages que peuvent susciter les UEP quand on essaye (contrairement à ce qui s'est fait à Dijon) de leur faire remplacer le mémoire (TER) de maîtrise.

A ce sujet, un participant a suggéré que ces stages pourraient, dans le cadre du nouveau schéma européen des formations de l'enseignement supérieur, acquérir une nouvelle dimension en étant intégrés au niveau de la licence, pendant que le niveau supérieur se réorganise autour du mastaire à Bac+5.

Licences professionnelles : un diplôme à investir ?

Président de la commission de suivi des licences professionnelles, Yves Escouffier a repéré environ 59 licences professionnelles issues de composantes Lettres et Sciences Humaines des universités, parmi les 350 nouveaux diplômes de ce type créés depuis la rentrée 2000.

Fait notable, il a souligné l'extrême diversité des intitulés à partir de composantes pourtant similaires, ce qui pourrait montrer que ce n'est pas tant la teinte disciplinaire qui oriente les créations en la matière, que l'engagement particulier des acteurs en fonction de leurs compétences et des opportunités professionnelles qu'ils repèrent.

Du point de vue des effectifs, les étudiants littéraires sont sous-représentés dans le public des licences pros : 7% d'étudiants issus d'un Bac littéraire (contre 29% dans les licences « classiques ») et 14% issus du Bac économique (contre 22%).

Pourtant, cette formation peut s'inscrire pertinemment dans le champ LSH, comme en témoigne la licence professionnelle « librairie et métiers du livre », présentée par Alain Brillard, premier vice-président de l'université de Mulhouse.

Avec 45 candidats en 2000 (pour 18 inscrits), la licence, qui prend le relais d'un diplôme d'université antérieur, a attiré une trentaine d'étudiants hors- académie de Strasbourg et même 3 étrangers.

Tous les diplômés sont déjà en CDD ou CDI dans le secteur concerné, et l'université lance déjà en 2001 une nouvelle licence pro sur le thème de « la gestion du document pour les organisations ».

La pertinence du DESS repose sur son adéquation aux opportunités professionnelles

Diplôme professionnel maintenant ancré dans le paysage universitaire depuis plus de 20 ans, le DESS peut également apporter aux étudiants littéraires une spécialisation leur permettant des débouchés intéressants, si tant est que le diplôme réponde à une vraie opportunité socio-économique.

Jean-Marie Constant, directeur du DESS Valorisation du patrimoine et développement local de l'université du Maine, a ainsi retracé la lente maturation de son diplôme.

Au tout départ, un constat accidentel (voire anecdotique) du manque de gens compétents pour faire visiter les lieux patrimoniaux de la région durant l'été, qui aboutit à la création d'un diplôme d'université en 1992, à partir de modules existants d'histoire et d'histoire de l'art.

S'il n'est question au départ que d'apporter un coup de pouce pour des jobs estivaux, les collectivités locales expriment ensuite des demandes plus ambitieuses : vos étudiants ont la culture nécessaire, mais ils manquent de compétences en matière de gestion et de connaissance des rouages administratifs.

Dès lors, avec le soutien de la DRAC et du ministère de la Culture, un DESS voit le jour en 1996, clairement destiné aux historiens.

Depuis lors, l'insertion professionnelle des diplômes témoigne de la pertinence de la formation, avec un avertissement clairement formulé par J.M. Constant : « il serait désastreux de multiplier ce type de formations sur le même créneau professionnel, qui est par définition étroit et fortement soumis aux aléas conjoncturels ».

 

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