A l’ère du big data, l’exploitation et la valorisation des données collectées représentent des enjeux stratégiques pour le pilotage de nos organisations. Mais que signifie exactement piloter ses données ? Quel process mettre en place, quels sont les enjeux, les bénéfices mais également les points de vigilance à prendre à compte ? Zoom sur le pilotage de la donnée chez Business France, avec l’interview de Laurent d’Argaignon, directeur financier.


Laurent d'Argaignon, directeur financier chez Business France


Pouvez-vous présenter Business France et votre direction ?


Business France est l’Agence en charge du développement international des entreprises françaises et des investissements internationaux en France. C’est
un EPIC dont les missions sont de soutenir le développement à l’export des entreprises françaises, d’assurer la gestion et le développement du VIE (Volontariat International en Entreprise) produit bien connus du grand public, et d'attirer des investisseurs étrangers afin qu’ils créent des emplois dans notre pays. Nous contribuons à la valorisation de l'image économique de la France, de ses entreprises et de ses territoires.

En chiffres, Business France, c'est un peu moins de 1500 personnes, une présence dans 55 pays et un budget d’un peu moins de 500 millions d'euros.

La direction financière (DF) dont j’ai la responsabilité compte 25 personnes réparties entre :
-    un service du contrôle de gestion qui assure tout le pilotage financier de l'agence, le suivi de la comptabilité analytique et l'animation du dialogue de gestion
-    et un département achats et ventes chargé d’une part des mises en concurrence pour les achats, de la gestion des dépenses et des ventes d’autre part.

Cette partie gestion joue un rôle important dans le pilotage de la donnée car elle est en charge de faire évoluer les outils et les process qui permettent de moderniser, fiabiliser et sécuriser la saisie des données financières tout en accompagnant les opérationnels pour les aider à bien utiliser ces outils et respecter ces process..

La DF a aussi un rôle d’animation de correspondants qui sont dans les directions métiers et dans nos bureaux à l'étranger et travaille de façon très étroite avec l’Agence Comptable


Comment définissez-vous le pilotage de la donnée ?


Piloter la donnée, c’est chercher à disposer de la bonne donnée, au bon moment, pour prendre la bonne décision, suivre son activité, optimiser l’utilisation des moyens. A travers le pilotage de la donnée on aide à la décision


Quels en sont les enjeux chez BF et dans votre direction ?


La donnée constitue chez Business France un enjeu primordial en raison de son volume et de son importance stratégique pour mener à bien nos missions d’accompagnement et de soutien des entreprises.

Au sein de ma direction, l'enjeu de la donnée sera le pilotage de l’activité, le pilotage budgétaire, la question de la production de cette donnée afin qu’elle soit fiable, qu’elle respecte les règles auxquelles elle est soumise, mais qu’elle soit aussi actualisée, diffusée, exploitée et analysée. Derrière l'outil nous avons besoins de compétences pour exploiter la donnée et accompagner les services auprès de qui la direction financière intervient.


Comment avez-vous commencé à travailler sur le pilotage de la donnée  ?


Il y a eu plusieurs faits générateurs qui nous ont poussé à travailler sur la donnée.

La préparation de certification des comptes pour Business France en premier lieu, puis la mise en place du décret GBCP dès 2016.

Par ailleurs, nous avons eu une forte demande de nos tutelles afin de disposer d’indicateurs sur la qualité de notre pilotage et de développer notre comptabilité analytique. Ces indicateurs sont inscrits dans notre contrat d’objectifs et de moyens.

Et enfin évidemment, des besoins internes. Nous sommes, comme beaucoup d'établissements publics soumis à une forte pression budgétaire avec un niveau de subventions à la baisse depuis plusieurs années et donc un impératif d’efficience pour garantir l'équilibre budgétaire de l'agence.


Quels sont vos projets en matière de données ?

La DF a initié un projet qui comprend 3 axes : la mise en place d’une comptabilité budgétaire, la refonte et la modernisation des process et l'amélioration de notre pilotage économique.

Nous nous sommes organisés en mode projet et avons été accompagnés.

Comme c’est un projet ambitieux il a été alloti.

En matière de pilotage financier nous travaillons depuis plusieurs années sur la comptabilité analytique avec comme première étape la refonte de notre référentiel et le suivi des relevés d’activité des opérationnels.

Au niveau du pilotage plus managérial, nous tendons à donner toujours plus d'informations de gestion à nos managers ce qui leur permet de mieux piloter leurs budgets. C’est un changement de culture et une phase importante.

Ce sont des projets qui se déroulent sur plusieurs années, pour lesquels on avance petit à petit et qui demandent un fort accompagnement pour obtenir l’adhésion et renforcer la culture de gestion.

Et les projets à l’échelle, cette fois, de Business France ?
 
Quand on parle de pilotage de la donnée, on pense évidemment à la Business Intelligence.
Nous avons chez BF des outils qui restent malheureusement trop cloisonnés. Chaque périmètre a déployé ses outils de reporting et d’analyse et les technologies utilisées sont vieillissantes.
Depuis plusieurs années nous avons lancé un projet de Business Intelligence qui doit  permettre de déployer un outil transverse à toutes les directions et adapté aux besoins de l’ensemble des métiers.
Ce projet a été retardé par les réformes qu’a connu l’agence. Ces projets réclament un socle stable, nous sommes aujourd’hui dans une phase de réalisation.

Après une première phase technique nous avons créé un entrepôt de données commun à l’ensemble des services.

Une question centrale et complexe se pose, celle de la gouvernance de la donnée. Qui est propriétaire d’une donnée ? Comment la définit-on afin qu’elle soit communément comprise ?

En termes d’exploitation, au-delà de la mise à disposition de rapports prédéfinis, standards, développés par la DSI, la volonté est de donner de l’autonomie aux directions pour une utilisation plus agile de l’outil et au plus proche de leurs besoins.

Comment vous êtes-vous organisés afin de mener ces projets ?

La  gestion repose sur un tandem métier-DSI. On a pour chaque périmètre défini des utilisateurs clés, propriétaires des données, chargés de s'assurer que la donnée est fiable et exhaustive avant de la diffuser.

Nous avons eu recours à des cabinets de conseil pour nous accompagner mais les projets restent sous la responsabilité du service métier, et ce, afin de prévenir tout risque d’une déconnection de l’outil avec le besoin.
La difficulté pour les collègues est de concilier investissement dans le projet et activité courante.

Quel rôle occupe la direction de Business France dans l'animation des projets ?


Un rôle essentiel en tant que sponsor qui doit légitimer le projet.
Côté finance, très vite, on est sur des projets qui sont transverses. Il faut veiller à l’adhésion des opérationnels sinon les données ne sont pas correctement saisies.
Le sponsor est vraiment essentiel et j’ai constaté des accélérations dans la mise en œuvre de projets quand les sponsors s’impliquaient fortement et que tout le monde comprenait qu’il s’agissait d’un projet de la direction générale et pas seulement celui d’une direction.

Et les moyens à mobiliser dans ces projets de transformations ?

On doit pouvoir compter sur des compétences avérées côté métier et DSI. Ces compétences viennent soit de l’évolution en interne de collègues soit de recrutements extérieurs.
S’agissant de l’interne, des plans de formation ont été montés pour des bureaux à l’étranger qui utilisent nos outils financiers. On a organisé des séminaires de formation ; quant à la cellule dédiée process à la DF elle a animé continuellement des réseaux d’utilisateurs pour faire évoluer les pratiques. Des supports de communication sur les outils ont été élaborés.

Quant aux moyens budgétaires, dans la mesure où la donnée est un enjeu prioritaire chez BF il y a toujours eu la volonté de dégager les crédits nécessaires pour mener à bien ces projets.

Quels sont les bénéfices déjà constatés de ce travail autour de la donnée ?

On en a vu l'utilité lors du confinement en étant tout de suite opérationnel ; nous sommes tous partis en télétravail sans rupture dans l'activité.

Sur la partie pilotage financier et économique, on a répondu aux demandes de nos tutelles, notamment en matière d’analyse en coûts complets de nos activités.  

Et puis, nous avons progressé dans la culture de la gestion de l'agence. On est passé d’un contrôle très budgétaire avec suivi de l’enveloppe notifiée à chaque manager à une logique plus de performance et d’adéquation objectifs / moyens.

Maintenant les managers ont une vision plus complète de leurs données financières et peuvent mieux optimiser moyens et actions. Ils sont plus responsabilisés.

Ma direction a gagné en efficacité et en légitimité.

Enfin, quels sont les points d’attention et vos conseils  ?

Un risque important est celui de la dégradation de l’existant et la rupture d’activité dans des périodes transitoires. Nous travaillons par exemple sur le CRM, l’ancien système est arrêté et se pose dans l’intervalle la question de l'interface entre l'outil de suivi des activités des opérationnels et l'outil financier .

Ces transitions doivent être anticipées, sécurisées et limitées dans le temps. Il faut être agile et limiter les impacts sur les collègues sans quoi on risque de perdre leur adhésion.

Celle-ci est essentielle car elle conditionne la qualité de la saisie. Il faut qu’ils aient un retour, un intérêt à agir, c’est important pour la fiabilisation de la donnée. Quand par exemple les opérationnels saisissent les relevés d’activités, ils répondent à un besoin de la DF mais comment faire pour que cette donnée puisse aussi leur servir ? A défaut elle sera mal saisie et au dernier moment.

Un autre motif de résistance est la perte d’un « pouvoir » perçue par certains collégues face au partage des données. On doit dépasser ces cloisonnements, montrer qu’en partageant la donnée on l’enrichie par l’analyse et les regards croisés.

Il existe aussi risque qui est de ne jamais démarrer, d’attendre de réunir toutes les conditions avant de se lancer. Il faut accepter de ne pas être totalement prêt, de ne pas tout maitriser, et de se jeter à l’eau en ayant bien entendu la garantie de disposer d’un socle solide.

Un 3e point est le manque de disponibilité des équipes déjà engagées dans le quotidien. Il est essentiel d’être accompagné et conseillé tout en gardant le portage du projet et l’aspect décisionnel en interne à l’établissement.





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